lundi 13 septembre 2021

Une autre vision des Alphas

Illustration de Wojtek Siudmak.

Dans Alastor 66, joueurs et joueuses peuvent interpréter un·e Alpha. Les Alphas sont des êtres humains dont l'ADN a été profondément altéré, par un nanoreprogrammateur génétique, pour les rendre plus "beaux", plus résistants, plus intelligents, plus forts... que les humain·es "ordinaires" (comprendre les Standards et, peut-être, les Stellaires). Mes références imaginaires: Bienvenue à Gattaca, Dune et un tout petit bout de GURPS Transhuman Space.

En termes de jeu, dans ma version actuelle du système, les PJ Alphas ont la possibilité de monter à 16 leurs scores de départ aux Attributs (contre 15 pour les Standards). Et, comme ce nanoreprogrammateur est un tantinet défectueux, les PJ Alphas peuvent, aussi, descendre à 4 ces mêmes scores de départ aux Attributs (contre 5 minimum pour les Standards). Soit une "supériorité" toute relative puisque les PJ Alphas n'ont pas plus de points à répartir entre les six Attributs que les autres Morphes.

Techniquement, les Alphas bénéficient aussi d'Avantages pour leurs Sauvegardes contre les maladies, les toxines, les maladies... Et il·elles ne vieillissent pas, ce qui en fait des immortel·les en puissance.

En termes de roleplay, les joueurs et joueuses interprétant des Alphas se contentent souvent de se la péter à mort, style "Je suis Alpha, je suis beau et vous êtes tous des merdes". Ce qui ne m'enchante guère, j'avoue. Je préférerais les voir joué·es autrement mais, jusqu'à maintenant, j'avais du mal à me représenter ces Alphas de façon intéressante. Une représentation qui, justement, induise un autre roleplay.

Puis je redécouvre la saga des Hommes sans futur de Pierre Pelot et je me dis jackpot.

Les Hommes sans futur ce sont six (petits) romans indépendants qui se déroulent dans le même univers. Un univers mêlant S-F et Post-apo où la race humaine telle qu'on la connaît disparaît peu à peu (d'où le titre du cycle: les Hommes sans futur). Homo sapiens disparaît car il donne naissance à une nouvelle "race": les Supérieur·es. À l'enfance ou à l'adolescence, les petits homo sapiens se transforment en Supérieur·es. Leur comportement change du tout au tout: il·elles ne reconnaissent plus leurs proches et s'en vont rejoindre leurs semblables: les autres Supérieur·es. Les naissances d'enfants "normaux" se font de plus en plus rares, condamnant l'Humanité telle qu'on la connaît à disparaître dans quelques décennies.

Les Hommes sans futur c'est du Post-apocalyptique car l'ancienne civilisation humaine se meure. La société se décompose lentement, laissant place à la barbarie.
Les Hommes sans futur c'est aussi de la Science-Fiction car les Supérieur·es développent des sciences et technologies largement supérieures à celles de leurs parents humains. Des sciences et technologies qui leur permettent de s'emparer lentement de la planète et de reléguer les dernier·ères humain·es dans des zones isolées et désolées. Pire: les Supérieur·es ne communiquent pas avec leurs parent·es. Et les échanges entre Supérieur·es sont incompréhensibles à ces mêmes humain·es.

Je ne pense pas que les Alphas d'Alastor 66 soient aussi "étranger·ères" que les Supérieur·es du cycle de Pierre Pelot. Ne serait-ce que parce qu'il·elles vont être interprété·es par des joueurs et des joueuses tout ce qu'il y a de plus humain·es. Et, clairement, les Supérieur·es des Hommes sans futur ont une altérité envers le genre humain qui les rend difficilement jouables.

Mais le mieux c'est que vous alliez lire les livres, non? Et si vous ne devez en lire qu'un seul, lisez Saison de rouille, le meilleur opus du cycle.

Bref, les Hommes sans futur m'ont donné quelques idées sur comment utiliser les Alphas dans Alastor 66.
Notamment, les Alphas se singularisent de plus en plus des autres humain·es. Suffisamment pour se couper de ces derniers, socialement et géographiquement, en investissant des Habitats spécifiques – des ghettos dorés – où les Alphas vivent entre eux·elles.

En termes de jeu – pour ce qui concerne directement les PJ –, lorsque leur jauge de Ruine tombe à zéro, les PJ Alphas deviennent des "Autres" (ou tout autre terme adapté, on verra...), étranger·ères au reste de l'Humanité. Concrètement il·elles deviennent des PNJ et le·la joueur·joueuse peut faire des confettis avec sa fiche de perso (comme tous les PJ qui ont leur Ruine à zéro). Narrativement, l'Alpha ne se sent plus aucun lien avec les autres PJ et va les abandonner au plus vite pour s'en aller rejoindre un domaine Alpha où vivre avec les sien·nes, pour l'éternité.

En termes de roleplay, ces Alphas "Autres" fuient toute communication avec les autres humain·es qu'il·elles perçoivent comme des animaux, au mieux. Et les échanges entre les "Autres" deviennent incompréhensibles pour les humain·es ordinaires, mais pas pour les Alphas qui ont conservé un lien avec leurs cousin·es "inférieur·ères".

En termes d'univers, ces Alphas "Autres" développent peu à peu une nouvelle civilisation, parallèle à celle d'homo sapiens. Une civilisation beaucoup plus avancée scientifiquement et techniquement. Une civilisation qui finira par vouloir supplanter l'ancienne.

Un autre élément littéraire d'importance concernant les Alphas d'Alastor 66: les Maisons nobles auxquelles il·elles appartiennent.
Pour moi, les Alphas sont les nouveaux aristocrates de la Sphère humaine. Il·elles se partagent le pouvoir réel avec les mégacorporations, le Sénat de la Fédération faisant office de marionnette fantoche. Et la division entre Alphas et mégacorpos est plus que perméable puisque, bien souvent, ce sont les Alphas qui détiennent les plus gros carnets d'actions au sein de ces mêmes mégacorpos.
Tout ça pour dire que, en tant qu'aristocrates dans un univers de S-F, je ne peux m'empêcher de penser aux maisons nobles de Dune quand je pense aux Alphas d'A66...

Illustration de Wojtek Siudmak.
Pour la couverture de Le père de feu, tome 4 du cycle des Hommes sans futur.

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