Annexe L

Illustration de Gess.
Cette page est la somme de deux articles: "Engins, Créatures & Gibiers: et si le premier JdR avait été francophone?" et "Annexe L".

Et si c'étaient deux francophones – Gérard Gigasse et David Arnaud? – qui avaient créé le tout premier jeu de rôle en 1974? Un jeu de rôle qu'ils auraient nommé, hum... disons: Engins, Créatures & Gibiers¹.
À quoi aurait ressemblé ce jeu? Quelles règles? Quel(s) univer(s)? Quels personnages? Quelles aventures?

Je vous invite à un petit exercice imaginaire: essayer de se représenter ce qu'aurait pu être cet hypothétique primo-JdR francophone.

Pour cela, il faut se pencher sur les sources.
Même si celle-ci était assez protéiforme et libertaire dans ses premières années, c'est de fantasy dont cause D&D depuis le début. Un genre profondément ancré dans l'imaginaire anglo-saxon.
Dans la première édition du Dungeon Master Guide, en 1979, la dernière entrée avant le glossaire se nomme "l'Annexe N". Une annexe dans laquelle Gary Gygax recense tous les ouvrages littéraires de fantasy et de Science-Fiction, romans et nouvelles, qui l'ont inspiré dans la rédaction de D&D. Cette fameuse "Annexe N" a rencontré un  intérêt croissant au fil des décennies car elle contient en son sein l'explication de la plupart des spécificités (toutes?) de D&D
La magie provient de Jack Vance. La classe de "voleur" provient de Fritz Leiber, Robert E. Howard et Jack Vance. La classe de "paladin" provient de Poul Anderson. Les alignements proviennent de Poul Anderson et Michael Moorcock. Les Drows et les aventures souterraines proviennent d'Abraham Merritt et Margaret Saint-Clair. Et cetera.

Tou·tes les auteur·es cité·es par Gygax sont anglo-saxon·es. Et tou·tes ont écrit pendant le siècle qui précède la publication du DMG en 1979. Vous chercheriez en vain un·e auteur·e non anglo-saxon·e parmi les artistes cité·es et il est vrai que nos ami·es anglophones sont plutôt prolifiques et inspiré·es pour tout ce qui concerne les genres dont je cause sur ce blog. Il n'y a qu'à voir comment les auteur·es francophones s'inspirent eux·elles-même des créations anglophones depuis bientôt deux siècles.

Mais revenons à Gérard Gigasse, David Arnaud et Engins, Créatures & Gibiers.
Imaginons que Gérard Gigasse et David Arnaud aient été peu au fait de cette création anglophone et que, pour créer Engins, Créatures & Gibiers, ils se soient surtout inspirés d'œuvres littéraires en français.
Quel jeu de rôle cela aurait-il donné?

Hum... Je ne suis pas sûr que ce premier jeu de rôle aurait été un JdR de fantasy (terme ô combien anglo-saxon en soi²).

Bon, vous vous doutez bien que, comme c'est moi qui écrit, c'est un peu moi qui me planque derrière ces Gérard Gigasse et David Arnaud fictifs. Et je me réjouis à imaginer ce que ce jeu aurait pu être. Non pas par chauvinisme exacerbé – on parle d'un premier jeu de rôle "francophone", pas "français" – mais pour le seul plaisir d'imaginer et concevoir.

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Imaginons que Gérard Gigasse ait rédigé une "Annexe L"³, répertoriant toutes ses sources d'inspiration parmi les auteur·es de genre francophones. À quoi aurait ressemblé cette Annexe L?
À ça peut-être:






Blade, Voyageur de l'Infini (série, collectif).

Michel Brice: Brigade mondaine.





Fleuve Noir Anticipation (collection).

Fleuve Noir Gore (collection).


JAG (série, collectif).


L'Aventure mystérieuse (collection).

L'Aventurier des étoiles (série, collectif).












Chrétien de TroyesÉrec et ÉnideCligès ou la fausse morteLancelot ou le Chevalier de la charretteYvain ou le chevalier au lionPerceval ou le conte du Graal.






Quelques remarques concernant la "méthodologie" – ce n'en est pas vraiment une, on est plutôt à fond dans l'hyper-subjectivité – utilisée pour établir cette liste:
  • Cette liste n'est pas définitive et d'autres noms pourraient venir s'y ajouter.
  • Je m'en suis tenu aux seuls auteur·es francophones. 
  • Je n'ai pas cherché à omettre les écrivaines – bien au contraire: j'aurais bien aimé en trouver plus – mais c'est l'échec: je n'ai que Julia Verlanger. Ah, le Patriarcat...
  • Je n'ai pas fait de distinction entre la littérature "classique" (celle que l'on nous fait lire à l'école et à l'université) et la littérature "de gare".
  • Je n'ai pas omis les auteur·es qui, bien que francophones, étaient largement influencé·es par la littérature en langue étrangère, et notamment anglophone. Ce n'est pas mon trip la "préférence nationale" de l'imaginaire.
  • J'ai mis des auteur·es et des ouvrages que je n'ai pas lus. Si si, je suis comme ça.
  • Je ne cite pas les auteur·es ultérieur·es aux années 80.
  • Je m'en suis tenu aux seules œuvres littéraires. Pas de films, séries télé, BD... Comme Gary Gygax: que des bouquins écrits petit (ou presque).
  • Je suis remonté assez loin dans le temps, jusqu'à Chrétien de Troyes et Tristan et Iseut. Quand Gary Gygax était resté sur le seul XXe siècle (je crois).
  • Quand je cite un·e auteur·e, je ne cite pas forcément tous ses ouvrages juste après, seulement les plus emblématiques. Si je n'en cite aucun, c'est qu'il y a profusion de matière: lisez tout.
  • Je me suis retenu très fort pour ne pas inclure les policiers, polars, thrillers... Ça aurait fait trop de monde et ce sont des genres qui m'intéressent moins. Mais j'en cite quelques uns néanmoins, les "classiques".
  • À de rares exceptions, je me suis aussi retenu pour les fictions "historiques".
  • Certaines de ces œuvres, notamment parmi les plus anciennes, se veulent avant tout philosophiques, morales, religieuses ou poétiques. Le "Fantastique" n'étant qu'un prétexte. Considérez que je les ai prises "au premier degré". Par exemple: dans Les Fables de La Fontaine, ce n'est pas la morale à la fin de chaque histoire qui m'intéresse, ce sont les animaux qui parlent!
Il existe des jeux de rôle francophones tirés de certains de ces ouvrages: La Compagnie des glacesAventures Extraordinaires et Machinations InfernalesLa Brigade ChimériqueTerra Incognita – Voyages aux Pays de Nulle PartMaléficesCrimesPavillon NoirLégendes de la Table RondeNephilim, Aventures dans le Monde Intérieur... Et je dois en oublier.
Retenez juste que cette production littéraire francophone est riche, précieuse, et nous permet de faire du jeu de rôle.

¹ C'est le sous-titre du premier jeu de rôle suisse francophone publié: Laborinthus.

² Mais un terme d'origine française, oui, je sais...

³ En référence, bien évidemment, au célèbre "Appendix N" de Gary Gygax du Dungeon Master Guide de 1979.


Illustration de Bruno Maïorana

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