dimanche 23 août 2020

La Mer Éclatée : un setting post-apo

Un look viking qui dissimule toute autre chose.
Extrait de la couverture d'une édition étrangère de La Moité d'un monde. Artiste inconnu·e.
Avant-hier, j'ai fini ma lecture du troisième tome de la trilogie de La Mer Éclatée, par Joe Abercrombie. À priori, il s'agit d'une série de fantasy pour "jeunes adultes" (ados ?). Et, effectivement, c'est quand-même un peu moins bourrin que les autres romans de fantasy de Joe Abercrombie situés dans le Cercle du monde, le monde médiéval-fantastique où l'auteur situe la plupart de ses histoires. Mais pas toutes puisque les trois livres de La Mer Éclatée voient leur action se dérouler dans un tout autre univers : la Mer Éclatée du titre. Il s'agit d'une mer intérieure froide, bordée de royaumes barbares inféodés à un Haut-Roi quasi-sénile mais néanmoins cruel et ambitieux. Il n'y a pas de magie ni de monstres mais on y trouve de mystérieuses ruines "elfiques", vidées de leurs habitants suite à un Cataclysme tout aussi mystérieux plusieurs millénaires avant le début du récit.

Et de quoi ça parle La Mer Éclatée ? De la vengeance de Yarvi, prince du Gettland, après que le Haut-roi ait fait assassiner son père et son frère pour asseoir son autorité sur leur royaume. Si le premier volume est narré du point de vue de Yarvi, les deux suivants adoptent d'autres personnages comme narrateur·trices.

Ce n'est certainement pas de la grande littérature mais ça se lit avec plaisir. Joe Abercrombie est plutôt doué pour emmener le·la lecteur·trice avec lui dans ses histoires. Grâce à ses dialogues (nombreux, vifs et bien troussés) et à ses personnages (très humains, même lorsqu'il s'agit de sinistres crapules). J'ai tout lu, ou presque, de cet auteur en français, c'est bien que je dois y trouver mon compte. Même si, j'avoue, je commence à trouver son style un peu redondant. C'est toujours un peu la même histoire, avec la même question : "Peut-on encore être quelqu'un de bien après avoir après avoir fait des choses très très vilaines ?" Quantité de héros et héroïnes des romans de Joe Abercrombie ont un passé de gros·se bâtard·e et sont, plus ou moins activement, en quête de rédemption. Quantité de héros et héroïnes des romans de Joe Abercrombie sont super attachant·es, malgré leur passif chargé, et ça participe au plaisir de la lecture des bouquins de cet auteur.

Mais n'allez pas imaginer que Joe Abercrombie soit un vrai écrivain de fantasy. On nous ment. J'ai l'impression qu'il écrit de la fantasy car il s'agit juste d'un cadre commode pour les histoires qu'il a envie de raconter. Tenez, prenez son roman Servir froid par exemple, ben il s'agit surtout "De cape et d'épée" sanglant, beaucoup plus que de médiéval-fantastique. Les Héros c'est un roman de guerre. Pays Rouge c'est un western qui ne dit pas son nom. Quant à sa trilogie fondatrice — La Première Loi —, même si la dose de Fantastique est assez conséquente par endroits, on sent bien que ce n'est pas vraiment ça qui intéresse Joe Abercrombie. Non, Joe Abercrombie aime créer des personnages et les faire causer, beaucoup plus que de créer des univers.

Et La Mer Éclatée, c'est de la fantasy ? Hum... L'univers est très médiéval : les royaumes sur les rives de la Mer Éclatée me font penser aux royaumes scandinaves du XIe siècle, les états plus au sud ne sont pas sans rappeler le Rus' de Kiev et l'Empire byzantin et on dirait bien qu'il y a une sorte de culture afro-arabe encore plus au sud. Mais de Fantastique : point. Pas de magos, pas de divinités actives, pas de streums, pas de non-humain·es... À moins que... Il y a bien ces ruines elfiques éparpillées sur le pourtour de la Mer Éclatée. Un interdit les frappe, proscrivant de s'y rendre et d'en ramener quoi que ce soit. À raison puisque les importun·es qui osent s'y risquer meurent peu de temps après.

Voici le moment, cher·ère lecteur·trice où; si tu n'as pas lu cette trilogie mais que tu as l'intention d'y goûter, je ne saurais trop te conseiller de stopper ici ta lecture, sous peine de te faire divulgâcher un élément essentiel de cet univers. C'est bon ? On peut continuer ?

La Mer Éclatée est un univers post-apocalyptique. Oui, je sais, c'est déjà un peu marqué dans le titre mais là on développe. Il s'agit de notre Terre dans plusieurs millénaires, après une catastrophe suffisamment catastrophique pour avoir ramené l'Humanité à l'Âge de fer. Les fameuses ruines elfiques ne sont rien d'autre que des ruines humaines. La Mer Éclatée du titre est en réalité la mer Baltique et les royaumes qui rentrent en rébellion contre le Haut-roi sont situés en Suède. Les habitant·es de cet univers n'ont aucun souvenir de l'âge pré-cataclysmique et se sont inventé·es toute une mythologie à base "d'elfes" qui ont tenté de surpasser la ou les divinités et qui ont été puni·es en conséquence.

Les ruines "elfiques" sont méchamment radioactives. Et ce sont ces radiations qui tuent celles et ceux qui osent y pénétrer. Cependant certain·es disposent de substances leur permettant d'y survivre (des comprimés d'iode ?) et explorent les ruines à la recherche d'artefacts "elfiques", pour s'en servir ou les revendre à vil prix. Parmi ces artefacts, il faut compter, bien évidemment, avec des armes à feu (ou énergétiques, je ne sais pas trop). Des armes qui vont jouer un rôle essentiel dans le troisième et dernier tome de la trilogie.

Et c'est cet aspect du setting qui m'intéresse et me paraît exploitable en jeu de rôle. Sans sa partie post-apo, je ne trouve pas cet univers plus attrayant que ça pour y faire vivre des aventures de JdR. Par contre, ces ruines "elfiques", et les trésors qu'elles abritent, amènent tout autre chose. Il devient possible d'introduire des éléments contemporains ou science-fictionnels dans un univers très viking dans son design. Si vous aimez les romans de Joe Abercrombie, les vikings et la S-F (ou le post-apo), ça ne vous donne pas envie d'y mener une petite partie de jeu de rôle ? (avec les règles d'Hawkmoon ^^)

La mer Balti... Oups, je voulais dire : la Mer Éclatée...

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