dimanche 30 août 2020

Comment rendre le Megaversal System sexy ? [épisode n°1]

April O'Neil : 14, seulement, en Physical Beauty selon TMNT & Other Strangeness. Scandaleux. À cause de son nez peut-être...

Comment rendre le Megaversal System sexy ? Probablement en poussant Kevin Siembieda dans l'escalier. 

Le Megaversal System — que j’appellerai "Megaversal" tout court ensuite — , c'est le système de règles maison de l'éditeur Palladium Books. Et c'est un vénérable ancêtre parmi les systèmes de jeu car il date du début des années 80, et n'a plus connu de véritable modification depuis 1990. Il a motorisé, et motorise encore, tous les jeux de rôle publiés chez Palladium Books, à l'exception de Valley of the Pharaohs et Recon.

Le Megaversal, dans sa forme "primitive", apparaît pour la première fois en 1981 avec The Mechanoid Invasion, un JdR de Science-Fiction. Ça ressemble beaucoup à D&D : il y a des classes, des niveaux, des alignements, des HP, des jets de sauvegarde, des d20... Ça ressemble tellement à D&D que, dans les premiers jeux, la magie et les pouvoirs psis étaient vanciens eux-aussi : on disposait d'un certain nombre de pouvoirs par jour. Mais, à l'inverse du D&D première période, on jette déjà son d20 en essayant de faire le plus possible. Du roll over avant l'heure. 

Ah, il faut quand-même que je dise  que les (huit) Attributs du Megaversal, inchangés depuis les origines, ont des appellations excessivement moches : Intelligence Quotient (I.Q., l'intelligence), Mental Endurance (M.E., la volonté), Mental Affinity (M.A., le charisme), Physical Strength (P.S., la force), Physical Endurance (P.E., la constitution), Physical Prowess (P.P., l'habileté), Physical Beauty ( P.B., la beauté) et Speed (Spd., la vitesse). Des valeurs élevées à ces Attributs donnent des bonus pour un peu tout (les sauvegardes, la baston, les compétences...). Hormis pour ces bonus et le calcul des jauges de base (Points de Vie, Points de magie et de psi), ces Attributs ne servent à rien et il n'y a pas de jets les sollicitant pour quoi que ce soit.
Les jauges ainsi que des bonus divers augmentent avec le niveau, mais pas les Attributs (pas avec la montée de niveau directement, en tous cas).

Côté baston, chaque PJ dispose d'une "compétence de combat à mains nues" (Hand to Hand Skill) spécifique. Un nom bien mal trouvé puisque cette compétence donne des bonus pour attaquer et défendre, et pas seulement dans le combat à mains nues...
L'attaquant jette son d20, ajoute son ou ses bonus, et doit faire plus qu'un seuil de difficulté pour toucher. Ce seuil, pour les jeux Palladium Books les plus anciens, est une Classe d'Arme comme pour D&D. Mais le défenseur, avec ou sans CA, peut faire un jet de défense (d20 + bonus) de son côté : charge à l'attaquant de faire plus que lui. Si l'attaque passe, le défenseur a encore la possibilité, dans certains cas, de faire une "roulade" (si si) pour diviser les dégâts par deux. Ces roulades apparaîtront avec l'évolution "kung-fuesque" du système. Une évolution qui va aussi faire disparaître la CA dans certains jeux pour ne conserver que le jet de défense (et la roulade...).
Chaque combattant dispose d'un certain nombre d'Actions par tour de combat. Le nombre d'Actions dépend de la compétence de combat à mains nues et augmente, lentement, avec la montée de niveau. Normalement, la plupart des PJ débutent avec 2 Actions par tour au niveau 1. Mais des règles particulièrement mal écrites et confuses ont, au fil du temps, transformé ces 2 Actions en 4 Actions. Parce que les règles ont fini par coller à l'interprétation que les joueur·ses en faisaient...

Entre The Mechanoid Invasion, en 1981, et Rifts, en 1990, il va y avoir d'autres changements. Pas toujours pour le meilleur...

La magie et les pouvoirs psis abandonnent le système vancien pour un système de points. La magie carbure dorénavant aux points d'énergie psychique (PPE, potential psychic energy) et les pouvoirs psis aux points de force intérieure (ISP, inner strength points). Quand le PJ n'a plus de points, il ne peut plus utiliser ses pouvoirs sans s'être reposé préalablement. Simple.

Un système de compétences apparaît (mais dans quel jeu exactement ?). Ces compétences sont exprimées en pourcentages, comme dans le BRP de Chaosium. Chaque compétence dispose d'un score de base spécifique, plutôt faible au niveau 1, et augmente d'un nombre de % précis à chaque niveau. Ce qui se révéler fastidieux à la création du PJ et à chaque changement de niveau... car on parle d"un système à 200 compétences plus qu'à 20.
Certaines compétences physiques permettent de booster méchamment, dès le niveau 1, ses Attributs physiques, sa SDC (c'est quoi la SDC ? je vous explique ça plus loin) et plein d'autres trucs. 
Les compétences de combat à mains nues de deviennent pas des compétences à pourcentages pour autant. Elles n'ont toujours pas de score et continuent de donner des bonus. Par contre, elles permettent dorénavant d'effectuer des manœuvres — des attaques surtout — spéciales. Des manœuvres de plus en plus orientées kung-fu. Ce qui peut surprendre pour, par exemple, le très médiéval-fantastique européen Palladium Fantasy RPG...

Les objets finissent par avoir leur propre jauge de "Points de Vie". Cette jauge s'appelle la SDC, pour Structural Damage Capacity, et représente ce que ces objets peuvent encaisser de dégâts avant d'être détruits. Problème : Heroes Unlimited et Teenage Mutant Ninja Turtles & Other Strangeness vont accorder aux PJ (et PNJ et streums) des jauges de SDC en plus de leurs PV. Les PJ (et PNJ et streums) encaissent les dégâts avec leur SDC sans bouger un cil et ce n'est que lorsque leur SDC est réduite à zéro que l'on peut commencer à tailler dans les PV. Comme les armes n'ont pas vu leurs dégâts augmenter parallèlement, ça renforce tout le monde et ralentit d'autant les combats.

Robotech va plus loin. Les mechas et les vaisseaux spatiaux ont une jauge de MDC, pour Mega Damage Capacity. Avec un ratio 1 MDC = 100 SDC ou PV ! Ceci pour représenter le changement d'échelle entre de pauvres humains tout fragiles et des gros robots de guerre humanoïdes blindés de partout. Pourquoi pas.

Toutes ces évolutions ne simplifient pas le système. Au contraire. Mais le pire reste à venir : Rifts. J'adore ce jeu mais quand-même... Là, Kevin a craqué.

Comme Robotech, Rifts utilise les MDC. Le souci est que Rifts va utiliser les MDC pour TOUT. Ou peu s'en faut. Dans Rifts, les gros streums n'ont de PV mais des MDC. Histoire de tenir tête aux mechas et aux armures mechas des PJ. Sauf que tous les PJ ne sont pas des pilotes de gros machins militaires blindés, parfois ils sont juste piétons... Comment faire alors pour lutter à armes égales contre ces gros streums MDC surgis des Enfers ? Pour y remédier (aaarrrggg), Kevin Siembieda va doter les PJ d'armes et armures MDC individuelles. Has been le gros canon galactique qui balançait des méga-dégâts, maintenant un petit pistolet laser est capable de vous flinguer 1d6 x 100 PV/SDC en un tir ! Ce qui signifie qu'un PJ "à poil" qui se fait toucher par une arme MD, même la plus faible, a toutes les chances d'y passer.
Et c'est l'escalade du grand n'importe quoi... Des créatures se retrouvent dotées de dizaines de milliers de points de MDC. Oui : de dizaines de milliers. Même un truc costaud comme un Glitter Boy avec son gros boom gun à 3d6 x 10 MD va passer des jours entiers à éliminer le gros Splugorth à 50000 MDC... Et pas besoin de lutter contre des gros machins pour faire un combat particulièrement long. Rien qu'avec une arme basique à 1d6 MD contre une armure à 100 MDC ou un Brodkil à 200 MDC, il y a moyen de mourir d'ennui...

Les SDC et MDC ont méchamment alourdi le Megaversal, rendant les combats inutilement longs voire juste impossibles. C'est dommage car le concept de "méga-dégâts" a son petit côté jouissif, sauf que l'échelle dégâts/résistance du Megaversal est profondément buggée. Ce qui a poussé les adeptes du système à mettre les mains dans le cambouis plus souvent qu'à leur tour, et à se faire leurs règles maisons. Ou à adapter les univers à d'autres systèmes de jeu, mieux fichus, dans leur coin.
Personnellement, j'avais changé l'échelle l'échelle 1 MDC = 100 SDC/PV en 1 MDC = 10 SDC/PV. J'avais aussi multiplié les dégâts des armes par deux. Je voulais rendre les armes MD moins mortelles pour les cibles "PV/SDC" et avoir des combats plus rapides. 
Mais c'était un bricolage de fortune...

Pourtant le Megaversal des origines, sans les SDC et MDC, a l'air de bien tourner. Des centaines de milliers d'Américain·es qui l'ont pratiqué ne s'en sont pas trop plaint·es. Car oui, sachez-le, le Megaversal a été énormément joué aux USA dans les années 80 et 90. Ça a faibli depuis mais les jeux Palladium Books conservent une grosse fan base, dont moi.

Alors comment faire du Megaversal sans pleurer des larmes de sang ?

Faites comme l'auteur du système, Kevin Siembieda : ne vous servez plus des règles. Non, je ne déconne pas : K.S. n'utilise peu ou pas les règles lorsqu'il masterise ! Genre, il fait rouler les dés à la Gygax, pour faire du bruit. C'est dire l'estime dans lequel il tient le système qu'il refuse mordicus de faire évoluer depuis trente ans...

Mais, plus sérieusement, comment rendre le Megaversal System sexy ?

Je pense que la solution se trouve quelque part entre l'OSR et le narrativisme. Un peu de ces deux là devrait rendre ce vieux système un peu plus sympathique.
Côté OSR, taillez dans le gras et débarrassez-vous des sous-systèmes qui vous emmerdent. Les SDC et MDC vous gonflent ? Enlevez les. Vous n'aimez pas les compétences en % ? Enlevez les aussi ? Les roulades vous trouvez ça ridicule ? Hop : à la poubelle. Et cetera. Le Megaversal n'est pas un système vraiment unifié, c'est plutôt une somme de sous-systèmes. En conséquence, vous pouvez faire le tri entre ceux qui vous intéressent et les autres (poubelle !).
Le Megaversal est très old school dans l'âme. Pas pour néo-cloner quoi que ce soit ou pour surfer sur la hype, que nenni. Le Megaversal est très old school dans l'âme car c'est une antiquité ludique qui n'a plus évolué depuis 30 ans. 
Côté narrativisme, limitez les jets de dés. J'aime bien les dés, vraiment. J'aime bien en lancer. Mais quand le Megaversal devient par trop incohérent, illogique, lourd, lent, je crois sincèrement qu'il faut arrêter la casse et passer en mode diceless ou, à minima, se contenter d'un ou deux jets et c'est tout. Qui a envie de passer trois jours à latter un Brodkil ? Personne.
Et n'hésitez pas non plus à aller jusqu'au bout de la logique des règles par moments. Si le Splugorth a 50000 MDC, ça veut juste dire que ces satanés bestiaux sont immortels. Laissons-les tranquilles.

Bref, partez sur du narratif non-euclidien avec des dés de Schrödinger. Avec des joueurs et joueuses qui ne sont pas braqué·es sur la technique. Pour illustrer mon propos, je vous conseille le très bon Rifts Adventure Guide. Le supplément où, si tu suis ses conseils jusqu'au bout, tu finis par jouer sans dés, voire sans MJ. 

Même en la jouant plus classique, il y a des choses à sauver du Megaversal. Ses 200 compétences (moi j'aime bien), ses roulades (j'aime aussi), ses méga-dégâts (j'adore mais pas comme ça), son Pouvoir Paranormal Extraordinaire et son Influx Suprême du Psychisme (mes traductions à moi de PPE et ISP), sa dichotomie d20/d%, ses trois mille magies différentes, certains pouvoirs psis, ses Arts martiaux... Il faut juste conserver ce que l'on aime, se débarrasser du reste et la jouer simple.
C'est assez facile : le Megaversal n'est pas un système de jeu unifié mais un ensemble de sous-systèmes. Il y a carrément moyen d'en conserver les morceaux que l'on apprécie. Et de se débarrasser du reste. 

Et puis il y a les univers ! On parle quand-même d'un système qui a motorisé TMNT et Robotech ! Le Monde de Palladium, de Palladium Fantasy RPG, a beaucoup de charme lui-aussi. Et les autres ne sont pas mal non plus. Perso j'aime bien After the Bomb, System Failure, Nightbane, Dead Reign... J'y jouerais bien volontiers si ils n'étaient pas aussi méconnus de ce côté de l'atlantique.
Et les illustrations de la gamme sont loin d'être dégue, Kevin Siembieda sachant s'entourer de très bons artistes. La première édition de Beyond the Paranormal a quand-même une couverture de Corben, sapristi. Et puis il faut compter avec Parkinson, Zeleznik, Brom, Pérez, McDougall, Laird... Du bon. 
Et puis il y a Rifts... Où je perds toute objectivité : quel univers de dingue ! Et mon JdR préféré, malgré son système buggé.

PS : On sort du cadre de cet article puisque ce n'est pas/plus du Megaversal mais il existe une version Savage Worlds de Rifts qui a l'air de faire le job. Mais ça reste plus technique que le Savage Worlds de base...
Megaversal kick ass !
Illustration de l'excellent Ramón Pérez.

1 commentaire:

  1. Je n'avais encore jamais lu le système original de Rifts mais ça fait bien mal aux yeux. La version Savage Rifts tourne bien mais il arrive assez souvent que les combats durent trop longtemps à mon goût. La très grande variance des dés de dégâts peut faire qu'un PJ explose un boss en un tour ou qu'à l'inverse, ils rebondissent sur ses écailles pendant 10 tours.

    Je vais donc tenter de convertir tout ça vers F.A.C.E.S pour voir s'il y a moyen de fluidifier tout ça

    RépondreSupprimer