jeudi 20 août 2020

Blue Planet, Dark Moon

Parfois votre imagination fait faire une petite balade, purement mentale, à votre esprit. Parfois cette balade se révèle être une boucle et vous êtes revenu·e à votre point de départ.

Démonstration.

Vous vous rappelez Alastor 55, mon mini-setting pour faire du jeu de rôle dans un environnement S-F sombre, très sombre ? À l'origine d'Alastor 55, il y a la couverture de Casus Belli n°55, par Olivier Vatine. Puisque le principe c'était d'imaginer un mini-JdR à partir d'une des couvertures de ce magazine (chose que j'avais déjà faite avec Station Mérovée).

La couverture de Casus Belli n°55.

De cette couverture, qui m'a inspiré Alastor 55, j'aime surtout le décor S-F : le métal, la soldate et le robot. Je suis beaucoup moins séduit par le machin squelettique dans l'entrée. Et pourtant c'est ce machin squelettique — et plutôt moche — qui m'a fait imaginer un satellite lointain hanté par des "créatures des Ténèbres". Et le postulat de départ, c'était juste ça : une lune avec des "démons". C'est après que j'ai imaginé une population de premiers colons humains lucifériens, adorateurs potentiels de ces "démons". Et, franchement, je ne sais pas comment j'en suis arrivé à cette idée...

L'intérêt principal d'Alastor 55, à mes yeux, c'est le choc né de la rencontre entre cette première vague de colons lucifériens et la seconde vague : les corporations, les mineurs et l'administration des Nations Unies (c-a-d de la Terre). Dans Alastor 55, les joueurs et joueuses interprètent des enquêteurs·trices de l'ONU chargé·es de faire régner l'ordre et la paix sur Alastor 55. Un élément essentiel des scénarios va être leurs interactions avec les Alastorien·nes, les humain·es de la première colonisation. Si ceux·celles-ci sont tou·tes adeptes du Démon, le culte peut prendre de nombreuses formes, des plus civilisées (et socialement acceptables) aux plus horribles et inhumaines. J'aime l'idée d'une rencontre entre deux cultures humaines très différentes dans un monde S-F, deux formes de colonisation que tout oppose : les premiers colons se sont installés pour pratiquer leur religion (profondément chelou) tranquillement, les seconds pour se faire plein de thunes.

Je connais un autre univers S-F qui confronte deux cultures humaines coloniales : Poseidon, le cadre du jeu de rôle Blue Planet. Je vous cite le Grog :

"2199, système Serpentis, planète Poseidon. Un monde frontière... un monde aquatique à 98%... la première colonie à l'extérieur du système solaire. Mais quelle est la motivation qui pousse des dizaines de milliers de personnes à quitter leur bonne vieille Terre, pour tenter l'aventure sur un monde dangereux où tout est encore à construire : la promesse d'une vie nouvelle ? Un écosystème encore intact ? Ou bien la possibilité de devenir riche en exploitant des gisements de xénosilicates : ces minéraux qui détiennent la clé de l'immortalité...

C'est une véritable ruée vers l'or qui se déroule sur cette planète encore vierge il y a quelques années, et où les intérêts des plus grosses corporations sont difficilement contrôlés par le gouvernement colonial de la GEO (Global Ecological Organization). La nécessité de devoir traverser un trou de ver pour pouvoir accéder à ce système solaire, éloigné de plusieurs dizaines d'années lumières, rend la colonie plus isolée que celles de Mars, ou de la Lune. Une planète sans vie intelligente ? Apparemment, tout au moins si on exclut les peuplades natives, issues d'un premier effort de colonisation datant de plus d'un siècle auparavant. Une famine, engendrée par un virus destructeur, avait alors provoqué sur la Terre l'effondrement de l'économie mondiale, causé des millions de victimes, et coupé la nouvelle colonie de tout soutien, et de toute communication. Celle-ci, composée de quelques milliers d'individus d'exception, avait régressé jusqu'au niveau technologique des peuplades du Pacifique au XIXe siècle, mais avait survécu et prospéré.

Avec le temps, ces natifs en vinrent à ne plus rien espérer de la Terre, et ont fait de Poséidon leur planète... Avec le recontact, puis la découverte des précieuses ressources par des chercheurs, l'arrivée massive d'immigrants n'est pas sans provoquer des frictions : les mouvements terroristes se multiplient alors que les corporations vont jusqu'à exproprier ceux qui sont parfois considérés comme des sauvages, pour pouvoir exploiter les précieux xénosilicates. La GEO essaie de protéger l'environnement et les natifs, tout en contrôlant le développement industriel de la planète. Et cependant, son existence en tant que gouvernement mondial est remise en cause par de nombreux intérêts qui souhaiteraient que l'ONU soit réinstituée. Un orage gronde sur Poséidon, et il se pourrait qu'il éclate bientôt."

J'ai la première édition de ce jeu sur mes étagères et c'est un univers que j'aime beaucoup. Je l'aime pour deux raisons. La première c'est son cadre : la mer, le soleil, les cocotiers (extra-terrestres, certes), les lagons bleus, les plages de sable fin... Vous je ne sais pas mais moi ça me vend du rêve. La seconde raison c'est que Blue Planet parle, entre autres choses, de la rencontre, peu apaisée, de deux vagues de colonisation différentes. Vous avez d'un côté les premiers colons qui ont adopté le mode de vie "des peuplades du Pacifique au XIXe siècle", suite à un isolement prolongé. Et, de l'autre, vous avez les corporations, les autorités terriennes, les nouveaux pionniers... Et les PJ.

Et j'adore ça. Vraiment. Les conflits entre deux populations humaines dans un univers science-fictionnel m'intéressent beaucoup plus que ceux issus de la rencontre des humain•es avec un peuple extra-terrestre. Et j'ai retrouvé cet aspect dans Alastor 55. D'un côté, vous avez les premiers colons, tous lucifériens convaincus. Et, en face, vous avez les derniers arrivés : les corpos et leurs salarié·es venu·es exploiter les gisements de ravenium d'Alastor 55. La subtilité résidant dans le fait que les premiers colons lucifériens ne sont pas, d'office, malveillants du fait de leur religion ô combien atypique. Si certains sont d'authentiques psychopathes, d'autres sont tout à fait sociables et civilisés. Charge aux PJ de naviguer dans cette culture "différente" sans en avoir forcément les codes...

La Poseidon de Blue Planet me fait énormément penser à la planète Aquablue, de la série du même nom : planète océanique, discours écologiste, mystique xéno mystérieuse, secrets, corpos terriennes avides et violentes, colonisation brutale, résistance indigène... À se demander si les auteur·es de Blue Planet n'ont pas eu les BD d'Olivier Vatine entre les mains avant d'écrire leur jeu (la série a été traduite, en partie, en anglais)... Tiens, Olivier Vatine. C'est marrant, c'est justement lui l'auteur de la couverture du Casus Belli n°55, celle qui m'a inspiré Alastor 55. C'est d'autant plus "marrant" que cette couverture fait référence à... Aquablue ! Tout est lié.

Voilà. C'est ça une boucle imaginaire.

Agents de l'ONU dans les entrailles d'Alastor 55 ?
Par Ciro Tota.

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